« Interview d’Aurélie Delahaye »
Tout d’abord, merci infiniment Aurélie d’avoir accepté de répondre à mes questions!
Avec grand plaisir Sybil ! Je suis touchée que mon livre te parle autant et je suis heureuse s’il peut t’apporter de l’espoir dans ce moment charnière.
–Mais qui est Aurélie en fait?
Je crois que je suis comme dans ma première page : multiple ! Comme tout le monde j’imagine. Je suis passionnée, tenace, idéaliste, je suis quelqu’un qui doute.
–Pourquoi écris-tu?
J’écris dans mes carnets parce que j’ai toujours écrit, parce que ça m’est nécessaire pour comprendre le monde et me comprendre.
J’écris des livres parce que c’est ma manière d’apporter ma petite pierre, dans ce monde que je trouve à la fois profondément beau et extrêmement dur.
–Quand tu parles de ton roman « Embrasser l’inconnu », que dis-tu?
Ça dépend de la conversation. Embrasser l’inconnu c’est un bout de mon histoire. J’avais 33 ans, j’étais parisienne, je travaillais dans le monde de l’entreprise, et pour oublier que je ne trouvais pas le sens dans ce que je faisais au quotidien (malgré tous mes efforts), je m’adonnais à deux passions : l’escalade et l’improvisation. Un jour, j’ai décidé de tout lâcher et de faire de ma vie une improvisation. Comme j’avais besoin d’une prise à laquelle me raccrocher, et que je ne semblais pas être la seule à manquer de sens, j’ai décidé de faire un projet pour rendre les gens heureux. Ce plongeon dans l’inconnu m’a menée sur des sentiers que jamais je n’aurais empruntés si j’avais eu un plan.
–Tu le classerais dans quelle thème: autobiographie, développement personnel…?
Moi je ne le classe pas. Les libraires le mettent tantôt en littérature, tantôt en récit de voyage ou encore en développement personnel.
C’est un récit parce que tout est vrai dans ce que j’ai écrit. C’était important pour moi que l’on se dise « c’est possible, pour de vrai ».
Mais j’ai tenu aussi à raconter une histoire, comme si c’était un roman, et à m’adresser à tous, parce que je crois que le sujet de la quête de sens touche beaucoup de gens aujourd’hui.
Si c’est du développement personnel, ça l’est sans apporter de solution (je crois que ce serait dangereux de le faire, car chacun a son propre chemin à suivre).
–Pourquoi vouloir que les gens renouent avec le bonheur?
Quand j’ai commencé mon projet, le bonheur n’était pas à la mode, comme il l’est devenu par la suite. Et il n’existait pas cette injonction au bonheur, qui maintenant peut nous peser. Tout simplement, je voulais aider les gens à renouer avec le bonheur pour leur apporter un sourire, une éclaircie dans les moments où ils en manquent, et aussi, donner de l’élan pour ne pas se résigner à accepter un quotidien dans lequel on ne se sent pas bien. Je voulais montrer que quelque chose d’autre était possible.
–J’imagine que tu as des peurs, des doutes. Comment as-tu réussi à les dépasser et partir à l’aventure?
Je suis pleine de doutes ! « Les gens qui doutent » est une de mes chansons préférées d’ailleurs, elle me rassure. Et j’ai aussi pas mal d’angoisses (c’est un héritage familial).
Je ne saurais pas dire comment je fais avec parce que parfois, je me pose la question ! C’est un peu comme si j’étais double. Il y a une partie de moi qui angoisse de tout, et une autre partie qui est profondément sereine. D’abord, je ne suis pas une tête brûlée, je ne fais rien qui pourrait mettre ma vie en danger. Ensuite, la partie de moi qui est sereine a acquis cette sérénité en suivant son instinct. Parce que lorsqu’on suit son coeur et la petite voix qui résonne au fond de nous, ça sonne juste. On se dit qu’on est sur le bon chemin, peu importe si c’est difficile, peu importe s’il y a des échecs. Et ce qui est drôle, c’est que cela sonne juste aussi dans l’univers, j’ai reçu tellement d’aide sur ma route ! Ça a l’air un peu mystique ce que je dis, mais c’est aussi Goethe qui le dit (lui, c’est quelqu’un de sérieux) :
-Que retiens-tu d’essentiel de ta démarche?
Que l’essentiel réside dans des choses simples, et qu’il est bon de les retrouver.
–D’un point de vue personnel, tu en es où aujourd’hui?
Je suis toujours en cheminement, mais chaque jour fait sens (même si dans ce « sens », il y a aussi des choses pénibles).
J’ai mené un projet de théâtre avec des adolescentes en collaboration avec un centre social. Nous avons adapté « Les Culottées » de Pénélope Bagieu (qui nous a fait l’honneur de dessiner l’affiche), et nous sommes allées le jouer dans des maisons de retraite, collèges, lycées, et centres sociaux pour créer le débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes.
Et puis, je suis en train d’écrire mon premier roman, avec les éditions Anne Carrière toujours, qui est une maison vraiment formidable.
–Penses-tu, comme moi, que ton livre doit être lu au bon moment? Et surtout, réalises-tu que ton livre fait un bien fou?
Je crois surtout qu’il parlera différemment à chacun en fonction du moment où il est lu (il y a aussi des gens à qui il ne va pas parler du tout, c’est comme ça). J’ai des retours très positifs de gens qui viennent de milieux vraiment variés, avec des parcours très différents. Je crois que chacun y trouve ce qu’il a besoin d’y trouver.
Je suis heureuse en tout cas de savoir qu’il t’a fait un bien fou. C’est mon rêve, que ce livre apporte de l’espoir, un sourire, de l’élan.
–Il t’a fallu combien de temps pour écrire ce roman? Depuis l’idée qui a germé dans ta tête au point final?
J’ai eu des phases intenses d’écriture, et des moments de flottement. L’idée est apparue à l’été 2016. Le point final était mis un an après (mais j’y ai réellement travaillé 6 mois). Après, il y a eu le re-travail et les corrections, qui m’ont pris 6 mois, pour la version auto-éditée du livre.
Ensuite, j’ai de nouveau retravaillé le livre pendant trois mois, fin 2018, avec les éditions Anne Carrière (c’est David Meulemans et Stephen Carrière qui m’ont accompagnée et c’était passionnant).
–Quand tu écris, as-tu déjà un plan bien définit ou est-ce que tu vois au fur et à mesure de la rédaction?
Pour Embrasser l’inconnu, j’avais l’histoire puisque c’était la mienne (même si je n’avais pas la fin, qui est arrivée après que je me sois lancée dans l’écriture). J’y suis allée sans plan, en structurant au fur et à mesure. Lors du retravail, j’ai compris grâce à David ce qui manquait à l’histoire : le tout début, d’où je venais, alors j’ai écrit cette partie là.
Pour le roman sur lequel je travaille en ce moment, j’ai commencé à avoir une idée et deux personnages. Puis, j’ai roulé (je voyage encore beaucoup en camion). Alors que j’étais au volant, j’ai laissé mes personnages et mon histoire prendre vie dans ma tête. Après 3 heures de route, j’avais une histoire plus fournie. Elle a continué à se développer avec les heures de voyage.
Ensuite, je suis allée explorer sur le terrain, là où se passe mon roman. J’ai passé un mois entier à Lisbonne, à visiter des lieux, rencontrer des gens, sans trop savoir ce que j’allais faire de tout ce que je découvrais. Sur le chemin du retour, toute l’histoire s’est mise en place, elle avait évolué après ce mois d’exploration. Maintenant, elle est dans ma tête, je n’ai pas de plan, mais je sais où je vais. Je découvre peu à peu mes personnages, j’en apprends plus sur eux, parfois ils me surprennent, je note des éléments, et je vis un peu avec eux je dois dire.
–Comment vois-tu tes lecteurs? Quels rapports entretiens-tu avec eux?
Comme ils sont très différents, je reste simplement disponible à ce qu’ils sont lorsqu’on se rencontre. Quand je fais des lectures du livre, ça entraîne des discussions sur la vie des gens, leurs rêves, leurs difficultés, le monde du travail. J’écoute, on discute, chacun est libre de partager ses expériences. J’adore aussi recevoir des mails : d’après ce que les lecteurs m’écrivent, pour certains, mon livre est arrivé au bon moment (comme tu disais), il est le dernier petit déclic qui leur a fait faire un grand pas. Pour d’autres, il restera simplement une lueur d’espoir. Et dans un cas comme dans l’autre, c’est très gratifiant.
–Comme lectrice, tu as des préférences de genres littéraires?
J’ai mis très longtemps à aimer les classiques (je crois que la manière dont on les étudiait au collège et au lycée m’a bloquée), je les ai donc découverts plus tard. Mais sinon, je n’ai pas de genre préféré.
–Un conseil lecture pour le printemps?
L’éternité n’est pas de trop, de François Cheng, pour ceux qui sont d’humeur poétique. Martin Eden, de Jacques London, pour ceux qui ont envie d’aventure (une fois qu’on a lu la première page, on ne peut plus le lâcher, même si c’est un peu dur).
–Un dernier mot? (Moi j’en ai pour toi: Merci pour ton livre)
Merci à toi, et merci à ceux qui me lisent. Ce qui fait un livre, c’est la personne qui l’écrit et ceux qui le lisent (et encore, je ne parle pas de tous ceux qui font en sorte que le livre arrive entre leurs mains : l’éditeur et toute son équipe, le diffuseur et les représentants qui défendent les livres, le distributeur qui les achemine, et le libraire au coin de la rue qui en parle avec passion.)