« Pucelle »
de Florence Dupré la Tour
« Pucelle » de Florence Dupré la Tour est le tome 1, « Débutante », d’une autobiographie chez les éditions Dargaud.
Dans la famille de Florence, on ne peut jamais parler de ce qui se passe en-dessous de la ceinture. Depuis toujours, Florence ne sait donc rien et elle s’imagine des choses qui ne sont pas la vérité. C’est donc une enfant qui ignore tout de son propre corps…
Sachant que ce roman graphique est autobiographique et que l’auteure est née en 1978, cela fait froid dans le dos dans le sens où ce récit fait penser à ce qu’il pouvait se penser dans les familles dans les années 40 et non de nos jours (à quelques années près). Dans « Pucelle », Florence Dupré la Tour dénonce le tabou autour de la sexualité, la position du père de la famille, la religion chrétienne et ses extrêmes, le racisme. Cela fait beaucoup pour une petite fille mais c’est malheureusement bien réel. C’est la réalité de l’auteure. Florence est née dans une famille bourgeoise catholique où le père tient à merveille son rôle de patriarcal. Où la mère n’est qu’une mère de famille. Où les parents n’expliquent rien à leurs enfants. Où les parents parlent ouvertement devant les enfants sans que ces derniers comprennent. Où les parents se sentent supérieurs à d’autres personnes et ici en particulier les Guadeloupéens.
En lisant « Pucelle », je fus bouleversée par ce qu’il arrivait à la petite fille, à tous ces non-dits, à ce désarroi, à cette peur qu’elle ressent. Je me suis demandée comment des parents pouvaient laisser leurs enfants dans une telle ignorance. Et comme quoi, le milieu social n’en est pas la cause… Ce récit est brutal, difficile et perturbant. Florence enfant dégage une violence incroyable pour son âge, une violence choquante, une violence que ses parents ne voient même pas. Florence se fait des films comme on dit. Elle se fait des films sur ses règles quand elles arrivent. Elle se fait des films sur les rapports sexuels. Elle se fait des films sur les relations en général. Florence ne peut qu’imaginer vu que ses parents ne lui apprennent rien et que l’église donne un discours assez extrémiste. Mais la question est de savoir comment Florence va pouvoir devenir une femme équilibrée, bien dans son corps, bien dans ses relations avec les hommes quand on connait son enfance et tous les tabous qu’elle a connus?
Les dessins sont à l’image de l’histoire de Florence: ils sont bruts, forts. J’ai ressenti toute la rage de Florence dans ses dessins faits à la main levée comme une envie de dessiner mais rapidement sans donner dans les détails. Et on peut voir toute la rage de Florence enfant dans le portrait qu’elle fait d’elle: une petite fille toujours en colère. Et oui, les dessins ne sont pas les plus beaux que j’ai pu découvrir dans les bd mais ils collent avec le message que veut transmettre Florence ave « Pucelle ». Cette bd est à découvrir par tous pour appréhender les dégâts que peut faire les non dits!
« Pucelle » de Florence Dupré la Tour chez Dargaud, 15 mai 2020.