« Interview de Marianne Levy »
Tout d’abord, merci infiniment, Marianne d’avoir accepté de répondre à mes questions!
Merci Sybil pour la chouette invitation !
-Mais qui est Marianne en fait?
Une fille qui a une double vie. Je suis critique de séries. J’ai voulu devenir journaliste lorsque j’ai compris que mon téléphone serait l’équivalent d’une baguette magique et me permettrait de joindre n’importe qui. J’adore mon métier car il m’offre la possibilité de rencontrer des créateurs dont le travail me fait rire, m’interroge, me bouleverse… C’est passionnant de suivre une série de sa naissance, l’intention du scénariste, jusqu’au tournage puis la découvrir lors de sa projection. J’ai appris à raconter des histoires en analysant leur travail. Je leur dois énormément. C’est grâce à eux que je suis devenue romancière. L’écriture constitue la seconde moitié de ma vie. Les deux se répondent. La fiction m’aide à comprendre la réalité et les petites choses de la réalité sont la matière de mes histoires.
-Pourquoi écris-tu?
L’écriture est pour moi un moyen de rencontrer les autres. Au sens figuré, d’abord. J’aime avant tout et plus que tout les romans à personnages. J’aime avant tout et plus que tout me mettre à leur place. C’est une forme de rencontre extrêmement grisante. Une expérience addictive. La meilleure des façons de me poser une question et de chercher des réponses plus grandes que moi Au sens propre, également. J’ai la chance d’avoir croisé le chemin d’auteurs dont j’admire le travail. Certains sont devenus des amis. J’appartiens aussi à un collectif la Team RomCom qui défend la comédie romantique. Nous avons signé ensemble une tribune intitulée « Je pense donc je ris » dans le Huffington Post. Nous y avons affirmé qu’écrire sur l’intime avec légèreté est une affaire de première importance. C’est une partie de ma vie d’auteure qui compte beaucoup pour moi car Isabelle Alexis, Tonie Behar, Adèle Bréau, Sophie Henrionnet et Marie Vareille sont très talentueuses et j’apprends beaucoup grâce à elles. Et puis, il y a la magie de la rencontre avec les lecteurs. C’est le meilleur moment.
-Cendrillon est le conte d’enfance des petites filles? Pourquoi être partie de ce conte pour ton roman « Chaussures à son pied »?
C’est réellement une excellente question. Elle contient la réponse ! Je suis partie de ce conte car en discutant avec mon éditrice Florence Lottin, chez Pygmalion, Cendrillon m’est spontanément venue à l’esprit. Je me suis demandé pourquoi. C’est évidemment parce que ce personnage a imprimé l’imaginaire féminin. Elle est devenue le symbole de la rencontre idéale. Dans « Chaussures à son pied », j’ai eu envie de comprendre ce que le prince charmant avait fait aux hommes. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de raconter l’histoire du point de vue d’un trentenaire qui se débat avec cet idéal.
-Le prince charmant, le coup de foudre, tu y crois?
Croire est une décision. Disons que je crois aux rencontres. Je crois qu’il faut laisser de la place à l’évidence. Aux gens qui sont faits pour compter. Je crois qu’il faut accepter de prendre le risque de se tromper. Dans les relations amoureuses, comme amicales d’ailleurs, c’est cette forme de courage qui rend la vie si belle. C’est tout le chemin que fait mon héros, Samuel.
-Ton roman a une construction bien à lui. Comment as-tu eu cette idée de construction?
Le créateur de la série « The Affair », Hagai Levi, m’a dit un jour que le plus important pour lui était de trouver la forme de son histoire, son concept. Une fois l’euphorie initiale passée, cela a été très impressionnant pour moi de m’attaquer à Cendrillon. Sa notoriété est à peu près équivalente à celle de Jésus ou de Beyoncé… Je me suis rappelé cette phrase. Puis j’ai décidé que le plus important pour moi était de souligner le rôle capital des histoires que l’on se raconte. De travailler autour de la subjectivité. Du choix. Quatre amis dans une pièce ne vivront jamais la même soirée. Ils ne retiendront pas la même chose. Et ils n’auront sûrement pas envie de tout en dire. Il y a donc un roman dans le roman puisque Samuel écrit une histoire pour tenter de reconquérir une femme qu’il a perdue. Il tente de réenchanter sa vie. Cette forme est aussi mon clin d’œil à la fonction du conte.
-Dans ton roman, ton personnage principal, Samuel, écrit pour la télévision une série? Tu t’es inspirée de ta vie professionnelle?
Je suis critique depuis presque quinze ans. Je commence à bien connaître les coulisses de la création audiovisuelle. Lorsque l’on est en reportage, on note beaucoup de détails, on discute énormément… Tout cela nourrit des articles mais imprime aussi l’inconscient. Il est vrai que, jusqu’à présent, tous mes romans ont eu les coulisses de la télé pour décor. Mais mon intention n’a jamais été le réalisme. Sinon je me lancerai dans le documentaire. J’adore la fantaisie que permet la fiction. La seule chose qui m’intéresse, c’est la vérité des émotions. Inspirée n’est donc pas le mot. Imprégnée, plutôt.
-Pourquoi avoir choisi Londres comme ville pour ton roman? Paris n’est pas la ville romantique par excellence?
Pour plusieurs raisons. D’abord, j’avais envie que mon héros soit le sosie de Hugh Grant, la figure du prince charmant moderne depuis « Coup de foudre à Notting Hill ». Je trouvais drôle l’idée qu’un trentenaire français vive avec cela à Londres. Ensuite, j’ai une passion pour le spectacle vivant. Le quartier du West End à Londres est une caverne d’Ali Baba pour les amateurs de théâtre et de comédies musicales. L’équivalent de Broadway à New York. Samuel est aspirant dramaturge, Londres était la ville idéale.
-Et toi, tu es plus Converse ou escarpins?
Pour faire la belle, je pourrais répondre escarpins. Mais, en vérité, les Converse gagnent le match neuf fois sur dix. J’aime beaucoup trop danser pour préférer les talons !
-Il t’a fallu combien de temps pour écrire ce roman? Depuis l’idée qui a germé dans ta tête au point final?
J’ai écrit « Chaussures à son pied » en un an.
-Quand tu écris, as-tu déjà un plan bien définit ou est-ce que tu vois au fur et à mesure de la rédaction?
Je commence toujours mes romans par une longue période de réflexion sur la question centrale que je vais poser. Cela donne naissance à un scénario. À partir de là, j’entre en écriture comme je partirai en reportage. Les personnages, les scènes, les décors, les costumes, tout existe déjà dans mon carnet de notes et mon cerveau.
-Comment vois-tu tes lecteurs? Quels rapports entretiens-tu avec eux?
Je leur dois tout, littéralement. Je viens de l’auto-édition. Sans la conviction des blogueuses qui ont accepté de lire et défendre mes deux premiers romans, sans les lecteurs qui leur ont donné une chance, je ne serai pas devenue auteure. L’écriture est d’abord pour moi un moyen de rencontrer l’autre. Alors je ne vois aucune raison que cela s’arrête après le mot Fin. Les dédicaces, les salons du livre ou les conversations sur les réseaux sociaux avec les lecteurs sont de vrais moments de bonheur pour moi.
-Comme lectrice, tu as des préférences de genres littéraires?
Je n’ai pas de préférence en matière de genres littéraires. Comme lectrice, seules deux choses comptent particulièrement pour moi. D’abord, les personnages. Beaucoup plus que l’intrigue, d’ailleurs. J’ai besoin d’avoir le sentiment d’être assise à leurs côtés. Ensuite, l’engagement de l’auteur. J’aime entendre son cœur battre. J’aime le voir jouer avec ses mots à lui. Son rythme. J’aime quand je sens que le livre que je lis ne peut être que le sien. C’est le cas avec le travail de Laurence Peyrin ou de Nicolas Robin, par exemple.
-Un conseil lecture pour l’été?
Un roman américain écrit par un auteur français. « Sans compter la neige » de Brice Homs. Son héros Russell Fontenot est en chemin vers la maternité où il va devenir père. Ralenti par la météo, il se débat avec le doute et le passé. Le texte questionne la filiation mais raconte aussi toutes les manières d’être un homme. C’est-à-dire un fils, un frère, un ami, un amour. Son écriture est généreuse, vivante et belle. C’est mon dernier coup de cœur.
-Un dernier mot?
Cheesecake ?
–À quand une part de carrot cake?
C’est une question dangereuse car je suis toujours partante aussi pour ce genre de proposition !