Celui qui disait non.

« Celui qui disait non »

d’Adeline Baldacchino

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J’ai lu « Celui qui disait non » d’Adeline Baldacchino paru chez les éditions Fayard dans le cadre des 68 Premières Fois et j’avoue que je ne l’aurais pas lu autrement car je ne suis pas vraiment attachée aux romans racontant la deuxième guerre mondiale. Et « Celui qui disait non » a été une jolie découverte.

Le 13 juin 1936, August Landmesser est le seul à refuser de saluer Hitler sur un quai d’un chantier naval de Hambourg. August est aryen et Irma, sa femme, est juive durant la deuxième guerre mondiale. Ensemble, ils ont deux filles mais qu’ils ne verront pas grandir. Adeline Baldacchino raconte cette histoire.

« Voilà devant quel navire, devant quel nom, devant quelle histoire August Landmesser, chauffeur de camion reconverti en ouvrier naval, se refuse à plier. Ou plutôt à déplier le bras pour tendre la main droite, juste au-dessus de sa tête, les doigts serrés à l’horizontale. Il ne déplie pas. Il ne plie pas. Il ne cède rien. Pas un pouce. »

En tant que lectrice, je ne suis pas fan des romans sur la guerre, les guerres en général donc je n’étais pas destinée à lire « Celui qui disait non » mais grâce à mon aventure avec les 68 Premières Fois, ce destin a été modifié. Et cette lecture a été un petit choc dans le bon sens du terme. Beaucoup dise connaître cette photo, la photo d’August refusant de saluer Hitler, mais à moi, elle ne disait rien ou alors je ne me souviens pas… C’est à partir de cette photo que l’auteure a mené ses recherches en partant à Hambourg, afin de retranscrire la vie d’August et Irma dans cette période sombre de l’histoire. Et grâce à Adeline Baldacchino, j’ai appris encore sur cette Allemagne là comme si on en finira jamais d’apprendre, de découvrir sur Hitler et sa manière de voir son monde. La lecture de « Celui qui disait non » est difficile, voire douloureuse et se dire que tout ce roman est vrai est encore plus poignant. L’auteure raconte l’histoire d’amour d’August et Irma, histoire d’amour interdite dans leur Allemagne car Irma est juive, tout comme il leur est interdit d’avoir des enfants…

« August est là, sur sa paillasse,arrêté pour « Rasseschande », souillure raciale. Pour avoir couché avec une Juive. Pour avoir eu un enfant avec une Juive, et puis encore un autre qui est en route. Pour avoir violé les lois qui disent qui l’on peut aimer. Pour avoir négligé la réalité de la loi du Führer. »

Adeline Baldacchino raconte dans son roman ses recherches sur cet homme sur la photo, sur cet homme qui a osé défier Hitler, sur cet homme qui a tant aimé une femme juive, sur cette famille qui tout fait pour rester ensemble, sur la disparition de ces deux êtres. L’auteure a écrit ce roman pour faire écho à la disparition de son père et elle s’y est investie entièrement. Le récit est précis, documenté, vécu, sensible. Il est empli d’amour et la plume poétique de l’auteure rend sa lecture encore plus prenante. « Celui qui disait non » n’est malheureusement pas une histoire d’amour banale, romancée. C’est une histoire d’amour faite que de difficultés, histoire mise à mal par August se croyant plus fort que c’était possible durant cette tragique période. À certains passages, August me faisait penser au film « La vie est belle » de Roberto Benigni du fait d’un certain optimiste qu’il possédait mais cela ne lui a pas suffit.

« Celui qui disait non » n’est pas un enième roman sur la deuxième guerre mondiale, il est bien plus que ça. Il enseigne, il prouve, il émeut, il inspire, il façonne, il libère. Ce premier roman d’Adeline Baldacchino est un roman puissant qui laissera forcément une trace dans chaque bibliothèque.

 

La mélancolie du kangourou.

« La mélancolie du kangourou »

de Laure Manel

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Quand j’ai reçu de la part des éditions Michel Lafon le dernier roman de Laure Manel, « La mélancolie du kangourou », je n’ai pas attendu bien longtemps pour le lire ou plutôt pour le dévorer et c’est un vrai coup de coeur!

Antoine et Raphaëlle s’aiment, sont mariés et s’apprêtent à devenir parent. Mais un drame arrive lors de l’accouchement: Raphaëlle meurt. Antoine devient veuf et père simultanément. Il est dévasté par la douleur et ne cherche pas le contact avec sa fille, la rejette presque… Pour le seconder, il embauche une jeune femme, Rose. Celle ci est joyeuse, disponible, présente pour sa fille Lou et peut-être aussi un peu pour lui…

« Antoine est veuf. Son cœur et son corps lui crient qu’il est veuf, pas qu’il est père. Il ne veut pas de sa paternité. Elle lui paraît indécente, étrangère. »

Ma lecture de « La mélancolie du kangourou » a été un réel plaisir. J’ai, pour tout dire, lu ce roman en une journée, je voulais absolument en connaître le dénouement. Laure Manel m’a entièrement emmenée avec elle, dans son écriture, dans son histoire. Le thème du roman est difficile: la perte de l’être aimé, se retrouver père en étant abandonné… Pourtant, Laure Manel ne tombe jamais dans le dramatique de l’histoire bien au contraire. Dès le début de ma lecture, j’ai été touchée par Antoine, par ce qu’il lui arrive de si douloureux: perdre la femme qu’il aime par dessus tout et se retrouver avec un bébé, n’importe quel homme chavirerait comme lui. Même si c’est difficile à admettre, je comprends la réaction d’Antoine face à sa fille, cette fille qui lui a enlevé Raphaëlle pour toujours; je comprends ses questionnements: comment aimer Lou alors que Raphaëlle n’est plus? Évidemment, j’ai eu envie de le secouer, de lui dire que sa vie n’était pas finie, que Lou a plus que besoin de son papa, qu’il doit absolument réagir… Par les mots de l’auteure, j’ai ressenti toute la tristesse, le désespoir de cet homme face à ce petit être. Et voilà que rentre dans leur vie Rose, cette jeune femme pleine de vie qui va devenir la fille au pair, qui va s’occuper au mieux de Lou, qui va se faire discrète auprès d’Antoine mais qui va faire tout son possible pour qu’il devienne enfin ce père que Lou mérite. Rose est une jeune femme optimiste, rassurante, aimante, pleine d’entrain, qui vit pour la danse, qui a connu aussi des drames mais qui a une telle force que celle-ci va « contaminer » Antoine.

« Parfois il envie sa liberté, son grain de folie. Rose semble avoir des ailes et devant elle tout le champ des possibles, alors que lui se sent cerné, enfermé dans une vie qu’il n’a qu’en partie choisie. Avant, il ne se posait pas toutes ces questions, il avançait sur les rails de son existence. Tout simplement. Bizarrement, il ne s’est jamais autant interrogé sur son avenir que durant cette semaine à la montagne. Quelle est sa marge de liberté à présent? A-t-il encore prise sur les évènements futurs, ou bien va-t-il se contenter de subir et enterrer définitivement ses rêves de jeunesse? »

« La mélancolie du kangourou » est un roman plein de vie, joyeux et surtout touchant: Antoine est touchant, Rose est touchante, Lou est touchante. Chacun a ses blessures qu’ils vont en faire une force mais chacun à son rythme. Tout n’est pas facile dans une vie mais il faut savoir apprendre à composer avec, à s’en servir pour avancer, à en tirer le meilleur même si cela ne saute pas aux yeux dès le début! La vie apporte de jolies choses, de jolies rencontres mais pour s’en rendre compte et apprécier, il faut d’abord ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, sur ce qui nous sont proches. Ce roman m’a fait sourire, m’a donné plusieurs larmes à l’œil; il est poignant et raconte une jolie histoire. L’auteure, Laure Manel, a un don pour faire vibrer son lecteur, pour lui donner envie et je comprends mieux l’engouement des autres lecteurs. Il me tarde de découvrir son précédent roman, « La délicatesse du homard »!

Marguerite n’aime pas ses fesses.

« Marguerite n’aime pas ses fesses »

de Erwan Larher

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Il me tardait que « Marguerite n’aime pas ses fesses » de Erwan Larher sorte en poche chez les éditions J’ai lu. Et j’ai, une nouvelle fois, aimé le roman de Erwan!

Marguerite a une vie des plus banales… Elle vit avec Jonas qui lui vit à ses crochets. C’est un obsédé des jeux vidéos et du sexe voyeurisme. Il se dit réac mais du fond du canapé de Marguerite. Celle-ci a un métier banal, n’aime pas le sexe tout comme ses fesses. Sa maison d’édition lui confie un travail: écrire les mémoires d’un ancien président de la République, DDM. Ce dernier souffre d’Alzheimer et les entretiens avec Marguerite vont lui permettre de se découvrir et de prendre en mains sa vie malgré son boulet de petit ami et sa mère sans complexe. Marguerite va découvrir les coulisses du pouvoir et va se confier à un flic plutôt bourru et qui enquête dans le milieu du pouvoir…

« Jonas embouerait tout de cynisme. Pourquoi le laisse-t-elle la rabaisser sans cesse? Dès qu’ils rigolent ensemble sur le canapé devant une téléréalité, ou qu’elle se blottit contre lui pour regarder un film, il redevient un compagnon parfait. Il va lui chercher du chocolat à la cuisine, lui remplit son verre, met le film sur « pause » quand elle a envie de faire pipi. Et puis l’appartement est toujours nickel. Aucun des mecs de ses copines ne fait la vaisselle, encore moins le ménage. Elle a de la chance. Qui aime bien châtie bien, non? Il est dur avec elle parce qu’il l’aime. Il ne sait pas l’exprimer autrement, voilà tout. D’ailleurs, s’il ne l’aimait pas, pourquoi resterait-il? Il est plutôt pas mal, comme mec, il pourrait très bien se trouver une fille beaucoup mieux qu’elle. »

« Marguerite n’aime pas ses fesses », quel titre et tout est dans ce titre! Erwan Larher nous livre dans ce roman les travers de notre société et ils sont, malheureusement, nombreux… Les travers politiques, les travers sexuels, les travers des jeux vidéos, les travers des complots, les travers de la « liberté »… Et tous ces personnages si criant de vérité!!! Marguerite: combien de fois, j’ai eu envie de la brusquer, de lui dire de se bouger justement ses fesses, d’ouvrir les yeux sur son petit ami… Et Jonas, ce petit ami: je n’avais qu’une envie, c’est de lui boucler sa bouche et de souhaiter très fort qu’il se fasse prendre par Marguerite à s’exhiber comme ça sur internet… Et DDM, l’ancien président: il est déluré en fait et ses histoires ont toutes un fond (plus ou moins grand) de vérité! Sans oublier, la présence des livres dans ce roman et Marguerite qui tient un blog littéraire (toutes ressemblances seraient-elles fortuites?!!!!)

« Elle y traque (dans son blog) la facilité et la désinvolture, les récits sans imagination, les auteurs qui laissent croire qu’il suffit de faire vibrer la corde sensible pour élaborer un bon roman. Elle oppose ce qui transporte, embarque, ce qui donne et partage à ce qui endort et lénifie. Elle n’hésite pas à éreinter, aussi ne lui a-t-on jamais – contrairement à d’autres blogueuses plus gentilles qu’elle – proposé de recevoir les romans à titre gracieux, de rencontrer les auteurs, d’avoir une chronique à la télé, une pastille à la radio, et aucun grand média ne lui a offert d’héberger son site. »

Et évidemment, Erwan Larher nous raconte tout ça avec humour, avec son humour, avec sa plume, ses mots des fois un peu crus mais au moins compréhensibles de tous! J’ai totalement vécu ma lecture de « Marguerite n’aime pas ses fesses » tellement c’est réel: la naïveté de Marguerite, son petit ami profiteur, la mère qui ne souhaite pas vieillir, le vieux qui perd la tête et qui dit et fait des choses improbables!! Et puis, j’ai été plongée dans un univers un peu inconnu pour moi même si je sais que ce milieu est pas des plus honnêtes: la politique avec ses magouilles, ses secrets, ses hommes de l’ombre qui tirent les ficelles; et cela fait trembler…

Erwan Larher, avec ce roman, a su me rendre addictif à sa lecture! Et ce roman a son histoire. En effet, il est sorti alors qu’Erwan se remettait de sa blessure aux fesses lors des attentats du Bataclan! Drôle de coïncidence quand même!!!

Rêves sur mesure.

« Rêves sur mesure »

de Núria Pradas

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Avec « Rêves sur mesure » de Núria Pradas et grâce aux éditions L’Archipel, j’ai découvert Barcelone pendant les années folles et après, des époques dans un pays dont je connaissais beaucoup moins l’histoire.

À Barcelone, en 1917, Andrès Molins prend la direction de la boutique de luxe de création Santa Eulalia après la disparition de son père Antonio. Andrès veut en faire un haut nom de la mode en suivant l’exemple français. Fernando Clos, le beau-frère d’Andrès, un grand styliste, l’aide dans cette aventure. Santa Eulalia devient incontournable dans le luxe grâce aux deux hommes ainsi que les autres employés fidèles à la maison Molins dont Laura devenue la responsable des salons de présentation. Mais les belles années vont devenir sombres avec la Révolution dès 1936. Santa Eulalia va-t-il survivre?

« Tout était prêt: les vêtements, les mannequins, les couturières et l’équipe technique. Quand tout fut en place, les bruits, les cris et les murmures cessèrent, et un silence religieux s’installa dans les salons du sous-sol. Chacun prit sa place, et un monde nouveau, pareil à un paysage enneigé, surgit soudain sous la puissante lumière des projecteurs: deux rangées de fauteuils protégés des regards indiscrets et de la poussière par des housses d’un blanc immaculé. Relégué à l’arrière-plan, dans les recoins obscurs de la salle, attendait tout un luxueux fouillis de chapeaux, de chaussures, de bijoux et d’accessoires. »

« Rêves sur mesure » est une saga familiale espagnole et l’histoire se déroule sur une trentaine d’années, 1914-1944. Cela débute par une histoire d’amitié entre Rosa, la fille du directeur de la boutique, et Laura, la fille d’une des couturières. Deux mondes opposés mais qui se retrouvent avec ces deux jeunes femmes qui tombent amoureuses du même homme, Fernando. Nous sommes bien en présence d’une saga familiale que je commence à apprécier de plus en plus. Dans « Rêves sur mesure », l’auteure nous livre aussi bien le parcours des ces deux femmes, mais aussi celui des hommes qui dirigent la boutique, Santa Eulalia, celui des employés. Aucune classe sociale n’est oubliée dans ce roman et cela a son importance surtout quand l’auteure nous relate la guerre civile en Espagne avec sa misère, ses drames et l’arrivée de Franco à la tête du pays. Núria Pradas n’enjolive pas la réalité pendant cette période et j’ai senti toute la détresse de chacun quelque soit leurs moyens financiers et « mourir de faim » prend tout son sens. « Rêves sur mesure » n’est pas une romance car les faits sont bien là et réels, avec le bien et le mal, avec la vie et la mort, avec l’espoir et le désespoir. Mais même dans les moments les plus difficiles, chaque personnage s’accroche à quelque chose, à quelqu’un qui leur permet de tenir et d’avancer malgré tout ce qui peut leur arriver, chacun se relève à sa manière, à son rythme. Durant ces trente ans, le personnage principal est en fait Santa Eulalia, la boutique de luxe car elle est toujours restée debout, d’ailleurs, elle existe toujours. Santa Eulalia, avec à sa tête Andrès, a su s’adapter aux différentes situations: pendant les années folles, pendant la guerre, et pendant la reconstruction du pays. C’est le point d’encrage des personnages qui n’a pas failli et qui a su rebondir dès qu’elle le put.

J’ai aimé « Rêves sur mesure » car j’ai appris sur la guerre civile espagnole, sur le développement de la mode à Barcelone. Les personnages sont tous attachants, aimants et cela a son importance pendant les années difficiles qu’ils ont connu. « Rêves sur mesure » m’a fait pensé à la série espagnole « Velvet » qui se passe dans une maison de couture à Madrid dans les années 1960! L’Espagne sera-t-elle le pays de la mode?!!!

 

Les Rêveurs.

« Les Rêveurs »

d’Isabelle Carré

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Dans le cadre des 68 Premières Fois, j’ai lu « Les Rêveurs » de la comédienne Isabelle Carré chez les éditions Grasset mais malheureusement, je n’ai pas beaucoup rêvé pendant ma lecture…

Isabelle Carré est née dans les années 70. Elle a eu une enfance atypique et découvre le monde des adultes bien trop vite. Isabelle Carré raconte cette enfance auprès de parents singuliers et sa découverte du théâtre, salvateur pour elle.

« L’ardoise magique qu’on efface pour recommencer indéfiniment. Si seulement on pouvait l’utiliser pour autre chose qu’un simple dessin, mon vol raté par exemple. J’apprendrai plus tard à appliquer mentalement cette méthode, comme pour mes nombreuses déceptions amoureuses… Effacer les erreurs de ma tête, pour ne garder que le meilleur. »

Isabelle Carré se met à nue dans son roman « Les Rêveurs », et il est sur qu’elle a eu une enfance bien particulière. Elle est née dans une famille recomposée: sa mère vient d’une famille aristocratique qui l’a éloignée lors de sa première grossesse, première grossesse qu’elle a finalement menée à terme grâce à l’aide du père d’Isabelle Carré. En parlant de son père, celui-ci a mis des années à enfin s’avouer et avouer qui il était réellement. Dans cette tribu, Isabelle Carré évolue comme elle peut, avec ses rêves, ses envies, son chagrin, sa dépression… Elle se cherche, cherche sa voie afin de pouvoir enfin s’épanouir et ne plus être adulte bien avant l’âge… Isabelle Carré est discrète et ne se plaint pas…

« Exiger était proscrit. Demander, y compris des petits riens, m’a toujours paru périlleux. Non par peur de refus, mais la démarche elle-même nécessitait tant d’efforts pour la petite fille que j’étais, presque un défi à relever, un exploit. »

Dans « Les Rêveurs », j’ai ressenti toute la sensibilité de l’auteure, ses espoirs, ses faiblesses. Elle se révèle être une petite fille qui veut toujours bien faire… Isabelle Carré se raconte dans son roman, roman ou autobiographie, je n’ai pas vraiment pu le définir au cours de ma lecture. J’ai trouvé la construction de son roman un peu décousu, un peu brouillon en fait, j’ai eu le sentiment qu’il manquait à chaque chapitre un petit quelque chose, un sentiment d’inachevé… De part son écriture, j’ai ressenti les faiblesses de la romancière Isabelle Carré, des faiblesses dans sa manière d’écrire, de raconter, mais peut-être que cela est voulu… Cependant, il en ressort de ce récit une grande force de la petite fille, de l’adolescente Isabelle Carré et comme le théâtre a été sa bouée. Comédienne a été une jolie révélation pour elle et j’ose dire que je préfère la comédienne Isabelle Carré que l’auteure Isabelle Carré.

 

 

 

 

Interview Anna McPartlin.

Interview Anna McPartlin

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Grâce à la complicité des éditions du Cherche Midi et plus particulièrement de Benoît (que je remercie une nouvelle fois), j’ai pu avoir le privilège de poser quelques questions à une auteure que j’affectionne beaucoup, Anna McPartlin. Cette interview est ma toute première et elle a pu être réalisée par l’intermédiaire de Benoît. Dans un premier temps, les questions sont en rapport avec le dernier roman de Anna, « Du côté du bonheur » (dont ma chronique est ici), puis des questions plus sur Anna. Je vous laisse découvrir cette interview!!

– Si vous deviez choisir cinq mots pour décrire Du côté du bonheur ?

« Question difficile… Je dirais : passionné, osé, déchirant, chaleureux et irrévérencieux. »

 

– Comment vous est venue l’idée de Du côté du bonheur ? Quelle est l’histoire derrière l’histoire ?

« La genèse de cette histoire provient de deux faits qui m’ont beaucoup marquée :

  • L’histoire d’un jeune garçon habitant dans une petite ville des États-Unis et qui a été tué parce qu’il était homosexuel. Après sa mort, sa mère a fait son propre chemin sur la question de l’homosexualité et elle parcourt à présent le pays pour donner des conférences sur la tolérance dans les universités.
  • Une histoire entendue dans l’émission d’Ellen Degeneres : un garçon de 12 ans qui a été tué parce qu’il avait donné une carte de Saint-Valentin à un autre garçon. Il avait été élevé dans une famille où l’homosexualité était mal perçue.

Ces deux histoires sont à l’origine de mon livre Du côté du bonheur. »

 

– Vous délivrez encore une fois un beau message, mais ne pouviez-vous pas le faire passer sans tristesse ?

« Je ne pense pas, c’était nécessaire. Selon moi, personne n’est immunisé contre la tristesse, la peur, la solitude, la violence ; ce sont des choses de la vie, du quotidien, que l’on voit partout. Mais la peine nous éduque, nous fait grandir. Il arrive que la peine ne soit pas positive pour les gens, mais j’ai le sentiment que, souvent, elle nous rend meilleurs. »

 

– Il y a une foule de personnages dans votre roman, tous aussi attachants les uns que les autres, y en a-t-il un qui a une résonance particulière pour vous ?

« Je ne peux absolument pas choisir un seul personnage. J’adore Maisie parce qu’elle est forte, Bridie et Jeremy m’ont brisé le cœur. Au contraire de Valérie, qui m’a remplie de joie. Je partirais bien en voyage avec Rave. Ils sont si différents que l’on peut tous les aimer, pour diverses raisons, chacun à leur manière. »

 

– Maisie est une sur-femme, comment parvient-elle à affronter tout ça ?

« Maisie est un personnage entier. Quand elle était jeune, elle était faible, mais elle a transformé cette faiblesse en force en grandissant et en affrontant tous les obstacles de sa vie. Pour moi, son amour envers les autres et son attachement à eux sont à la fois une force et une faiblesse. »

 

– Les titres de vos chapitres sont des chansons. Comment les avez-vous choisis ? Ces chansons vous ont-elles inspirée ?

« Chaque chapitre est intitulé à partir d’une chanson datant des années où Jeremy est mort. C’était important pour moi puisque chacune des chansons a un rapport avec les personnages. D’ailleurs, je trouve que les jeunes ont tendance à mieux écouter les paroles des chansons, à mieux les comprendre que les adultes, qui se contentent juste d’entendre. Et pour Jeremy et ses amis, ces chansons signifient beaucoup, elles les reflètent. »

 

– Il y a beaucoup de sujets sociaux dans Du côté du bonheur : les femmes battues, les homosexuels. C’était nécessaire pour vous, dans l’histoire de Maisie ?

« À chaque fois que j’écris un roman, j’essaie de construire un personnage et, pour cela, j’ai besoin de regarder qui il est, d’où il vient et comment il a évolué pour devenir celui qu’il est aujourd’hui. Dans le cas de Maisie, c’était important qu’elle ait ce passif, c’est ce qui la rend aussi attachante. Je n’ai pas décidé d’écrire sur tel ou tel sujet, c’était un choix sur le personnage, et donc il était nécessaire pour l’évolution du personnage de Maisie de la faire passer par toutes ces étapes. »

 

– Comment avez-vous pensé à aborder les problèmes que rencontrent les homosexuels dans les années 1990 ?

« J’ai choisi délibérément de placer cette histoire dans les années 1990, c’était très important pour moi. En effet, l’Église exerçait encore un grand contrôle sur les gens et, jusqu’au début des années 1990, l’homosexualité était toujours illégale. C’était donc le moment idéal pour moi pour raconter cette histoire. Par ailleurs, je voulais montrer aux lecteurs d’aujourd’hui comment c’était avant, pour comprendre que la liberté a dû se gagner et qu’il est nécessaire de la chérir aujourd’hui. Il faut surtout faire attention à ne jamais revenir en arrière. Pour l’aspect plus léger, c’était drôle pour moi d’écrire une histoire à cette époque parce que c’est la mienne, celle dans laquelle j’ai grandi, et ça m’a un peu rendue nostalgique. »

 

– J’ai beaucoup aimé la construction de ce roman : raconter l’histoire par le biais des personnages, chacun son tour. Comment avez-vous décidé de cette construction ? Cela ne vous a pas un peu compliqué l’écriture ? Et l’aviez-vous décidé dès le début de l’écriture du roman ?

« Oui, j’avais décidé de cette construction dès le départ. Pour moi, c’était la seule manière de raconter cette histoire. Je n’ai eu aucune difficulté à le faire. Je préfère toujours écrire d’un point de vue individuel, c’est mon style, et j’ai aimé l’idée de voir comment chacun pouvait être impacté par l’histoire. Par ailleurs, cela permet de tous mieux les connaître. »

 

 

– Quand vous écrivez, vous suivez un plan défini à l’avance ou vous vous laissez porter par l’écriture ?

« Je sais exactement où je vais. Je connais le début, le milieu et la fin, et même la toute dernière page. Pour m’aider, je crée la structure du roman sur un tableau, et ensuite j’attaque l’écriture. »

 

– Votre inspiration, vous la trouvez où ?

« C’est très simple, je la trouve partout. Elle peut arriver n’importe quand. Parfois quelqu’un me raconte une blague ou une histoire, cela peut être un déclencheur dans ma tête et me donner envie d’écrire dessus. »

 

– Vous rendez addictifs vos lecteurs, qui ne peuvent plus lâcher vos romans. Et vous, quand vous écrivez, vous faites de même, c’est-à-dire d’écrire sans pouvoir vous arrêter jusqu’au point final ?

« Oui, je suis pareille. Quand j’entame l’écriture d’un roman, je m’y mets corps et âme. J’écris dans une pièce sombre, je ris, je pleure, je vis tous les moments comme je les écris dans le livre. Mon mari vient souvent me voir pour me demander s’il doit appeler un spécialiste, parce qu’il s’inquiète. »

 

– Il est difficile pour vous de laisser vos personnages quand vous avez fini votre livre ?

« Beaucoup d’auteurs que je connais célèbrent la fin de l’écriture d’un livre, alors que, pour moi, c’est très difficile. Je le vis à chaque fois comme un deuil, avec toujours beaucoup de tristesse. »

 

– Avouez, vous puisez votre énergie dans les larmes de vos lecteurs ?!!

« Je n’écris jamais pour faire pleurer les gens. Quand j’écris et que je pleure, je me demande toujours si les gens réagiront de la même façon. Quand les gens réagissent en pleurant ou en riant, j’adore, parce que cela signifie qu’ils se sont attachés aux personnages, à l’histoire. Si je me forçais à faire pleurer les gens, les lecteurs le sauraient, donc ce serait inutile. »

 

– Vos romans sont bienveillants, remplis d’amour, ils sont tendres, tristes et joyeux en même temps. Ils vous ressemblent ?

« Totalement, c’est un miroir. Mes livres sont le reflet de ce que je suis. »

 

– Pour vous, à quoi ressemble votre lecteur ?

« À chacune de mes rencontres avec des lecteurs, je vois des gens totalement différents. Pour moi, il n’y a pas qu’un lecteur, il y en a une multitude. Ça va de 17 à 77 ans, ce sont des hommes, des femmes. Et j’adore cela, cette diversité. »

 

– Il est où, votre côté du bonheur, aujourd’hui ?

« Très bonne question ! Mon côté du bonheur, c’est ma cuisine. J’aime me mettre derrière les fourneaux pour mon mari, mes amis, avec mes quatre chiens autour de moi qui n’attendent que de grignoter les miettes de mes préparations. »

 

– Pour votre quatrième roman, il va falloir offrir des mouchoirs ! Mais un quatrième est-il prévu ?

« Oui, bien sûr. Je suis ravie d’en parler, je viens justement d’en terminer l’écriture. Il s’agit de la suite de mon livre Les Derniers Jours de Rabbit Hayes (2016, cherche midi éditeur). On se focalisera sur sa famille pour savoir comment elle gère le deuil. J’espère sincèrement que cela vous plaira autant que « Rabbit Hayes », il me tarde de vous le faire découvrir ! »