Sous un grand ciel bleu.

« Sous un grand ciel bleu »

de Anna McPartlin

J’attendais avec impatience la suite de « Les derniers jours de Rabbit Hayes » et c’est chose faite avec « Sous un grand ciel bleu » de Anna McPartlon chez les éditions Cherche Midi.

Rabbit Hayes est morte laissant sa famille dans le chagrin. Chacun essaie de faire face à sa manière. Juliet, la fille de Rabbit, est confiée à Davy, son oncle. Mais comment va-t-il se débrouiller alors qu’il est tout le temps sur les routes, que c’est un indétrônable célibataire?

« Dehors, les oiseaux chantaient. Dans la petite chambre du centre de soins palliatifs, encombrée de monde et légèrement malodorante, Molly Hayes tenait la main de sa fille. En face d’elle, la lumière qui entrait à flots par la fenêtre réchauffait son visage et blessait ses yeux las. Malgré sa fatigue accablante, elle restait éveillée, les yeux grands ouverts pour contempler son enfant jadis si belle, devenue cet être méconnaissable, bouffi, misérable, qui luttait pour respirer. Les autres membres de la famille, éparpillés autour d’elle, dormaient sur des chaises. »

Anna McPartlin est une conteuse d’histoires. Elle enchante nos yeux, nos esprits. Elle nous donne une place très particulière dans ses romans. Avec « Sous un grand ciel bleu », Anna nous chuchote la famille Hayes, leur peine et chagrin, leur joie et rire, leur détermination et fatalisme, leur rêve et secret. En lisant Anna, je ne peux que faire partie de la famille Hayes grâce à son écriture, son style, son humour, sa sensibilité, sa patte si particulière.

Anna McPartlin est une magicienne. Elle nous fait passer par toutes les émotions: tristesse, joie, colère, impuissance, détermination, amour, tendresse. Elle nous raconte des moments difficiles, des moments que personne ne veut vivre mais elle le fait pudiquement, sincèrement que ces moments deviennent beaux. Anna sait tout dévoiler mais avec une justesse infinie. Tout est tendre, aimant, sensible. Elle nous raconte le chagrin de chaque membre de la famille Hayes. Elle nous livre leurs pensées, angoisses, envies. J’ai pleuré avec eux. J’ai espéré. J’ai aimé chacun d’eux avec leurs faiblesses et leurs forces. Molly, la mère, avec la perte de sa foi. Jack, le père, avec les journaux intimes. Davy, l’oncle, avec ses mille questions de comment élever une ado. Grace, la soeur, avec les choix qu’elle va devoir prendre. Ryan, le fils de Grace, avec ses répliques toujours pile quand il le faut. Francie, l’ami, avec sa présence. Et Juliet avec sa joie et sa peine, sa volonté et son envie de ne pas déranger. Une famille touchante, craquante, forte, soudée. Une vraie famille irlandaise comme nous pouvons nous l’imaginer.

Et cela ne serait pas un roman de Anna McPartlin si l’Irlande n’était pas là, en fond, en deuxième personnage. L’Irlande et l’église. Les conflits sociaux et ici, c’est le conflit de l’eau payante (j’avoue avoir appris ce trait de l’histoire irlandaise). L’Irlande chère à Anna.

Lire « Sous un grand ciel bleu », c’est, foi de Sybil, passer du rire aux larmes. C’est envie de tous les prendre dans ses bras. C’est se sentir une Hayes. C’est assurément passer un très bon moment. Et c’est surtout redouter le moment où il faut leur dire au revoir car je n’ai pas envie de leur dire au revoir!

« Sous un grand ciel bleu » de Anna McPartlin, traduit par Valérie Le Plouhinec, chez Cherce Midi, 29 avril 2021.

La mythomane du Bataclan.

« La mythomane du Bataclan »

de Alexandre Kauffmann

Une histoire vraie racontée par Alexandre Kauffmann, « La mythomane du Bataclan » chez les éditions Goutte d’Or.

Lendemain des attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan, Florence ou « Flo Kitty » s’immisce auprès des victimes de ces attentats au nom de son meilleur ami Greg blessé au Bataclan. Elle prend une place très importante au sein de l’association Life for Paris jusqu’à en devenir salariée. Mais personne n’a rencontré Greg, cet ami victime. Des doutes apparaissent. La police est prévenue. Une enquête est ouverte.

« Life for Paris est devenu sa deuxième famille. Une famille de cour, où l’on se comprend d’un mot. En tant que bénévole, elle a pu mesurer combien la page secrète était précieuse pour les rescapés. Ils peuvent s’y exprimer en toute liberté, sans peur d’être jugés. Flo est prête à s’investir corps et âme pour soutenir les survivants dans cette épreuve, même su une maladie la vide progressivement de ses forces. »

J’ai été captivée par « La mythomane du Bataclan ». J’ai été scotchée à mon livre. Non mais quelle histoire!! Une histoire de mensonge, de mythomanie, d’escroquerie. Une histoire liée aux attentats du Bataclan même si les prémices datent de 20 ans plus tôt. Alexandre Kauffmann, journaliste, a mené l’enquête sur cette « Flo Kitty ». Il est remontait aux sources de sa mythomanie. Il nous livre les faits, rien que les faits. Il n’y a aucun jugement ou partie pris dans ce récit. En fait, c’est à nous lecteur de se faire une idée de Florence: une victime, une malade, une manipulatrice, une escroc, un danger. Peut-être tout à la fois…

Je savais déjà l’humain doté des pires vices mais aller jusque là… J’avoue que cette histoire est si énorme qu’elle pourrait ne pas paraitre vraie… Lire « La mythomane du Bataclan », c’est se dire que non, ce n’est pas vrai. Se demander comment les autres ne peuvent pas voir qu’elle ment. Comment les fonds d’aide aux victimes peuvent donner aussi facilement de l’argent. Se dire que les réseaux sociaux facilitent vraiment le mensonge, la création de fausses personnes. S’interroger sur les raisons de cette escroquerie. Se dire que Florence est une victime, qu’elle croit réellement à ce qu’elle dit, invente, que c’est désormais sa vie, fausse mais sa vie. À force de mentir, Florence croit ce qu’elle dit, elle s’en persuade elle-même donc les autres n’y voient que du feu. Elle est entrée dans un cercle vicieux où les mensonges s’intensifient et où surtout, elle a réponse à toutes les situations. Et cette histoire va jusqu’à l’escroquerie contre l’État et tout cela, en étant seule aux manettes des mensonges.

Dans « La mythomane du Bataclan », il y a les vraies victimes du terrorisme qui vont devenir aussi les victimes de Florence. C’est un peu une double peine pour eux qui lui ont donné leur confiance. Les conséquences sont lourdes pour tous ceux qui ont eu le malheur de croiser son chemin.

Un récit dingue. Une histoire vraie. Un livre à découvrir absolument.

« La mythomane du Bataclan » de Alexandre Kauffmann chez Goutte d’Or, 06 mai 2021.

I am, I am, I am.

« I am, I am, I am »

de Maggie O’Farrell

Mon premier Maggie O’Farrell, « I am, I am, I am » chez les éditons Belfond.

Maggie O’Farrell nous livre une autobiographie, une biographie des moments les plus importants de sa vie, ces moments où elle a frôlé la mort.

« Frôler la mort n’a rien d’unique, rien de particulier. Ce genre d’expérience n’est pas rare; tout le monde , je pense l’a déjà vécu à un moment ou à un autre […]. Prendre conscience de ces moments vous abîme. Vous pouvez essayer de les oublier, leur tourner le dos, les ignorer: que vous le vouliez ou non, ils vous ont infiltré et se logeront en vous pour faire partie de ce que vous êtes, comme une prothèse dans les artères ou des broches qui maintiennent un os cassé. »

Ce roman est un coup de coeur. Je ne lis pas d’autobiographies mais j’ai été attiré par celle de Maggie O’Farrell car ce sont plutôt des instantanés de sa vie, dix-sept moments forts de sa vie, dix-sept évènements qui auraient pu lui être fatal. Et je découvre avec « I am, I am, I am » l’écriture de Maggie O’Farrell, une très belle découverte.

Maggie O’Farrell raconte avec sincérité, pudeur les moments de sa vie, ceux qui l’ont fait voir la mort de bien trop près. Elle les raconte sans fatalité. Ils vont partie d’elle et ils l’ont construite dans sa tête, son mental; dans sa peau, ses muscles; dans sa croyance, sa relation avec les autres; dans son rôle de maman, d’épouse, de femme; et surtout dans son rôle d’auteure. C’est fou d’avoir vécu autant de drames dans une seule vie et quelle résilience elle porte en elle pour être autant attentive et pour écrire de si jolis mots.

Dans « I am, I am, I am », Maggie O’Farrell nous livre son récit, le récit de sa vie ponctué de drames. Mais surtout, elle nous montre que nous sommes capables d’avancer, capables d’affronter le pire et toujours profiter. Maggie est une voyageuse, une exploratrice des autres, une aimante. Elle nous livre ses introspections par apport à son vécu. Elle nous dit que tout cela a fait et fait la femme qu’elle est et surtout l’auteure qu’elle est. C’est beau. C’est puissant. C’est un modèle. Et je vais partir à la découverte de ses romans très vite!

« I am, I am, I am » de Maggie O’Farrell, traduit par Sarah Tardy, chez Belfond, 07 mars 2019.

La remplaçante.

« La remplaçante »

de Sophie Andriansen et Mathou

Grâce à Babelio, j’ai découvert « La remplaçante » de Sophie Adriansen et Mathou chez les éditions First.

Marketa et Clovis s’aiment et ils attendent leur premier enfant. Clovis est déjà papa. Marketa sera une toute nouvelle maman. Mais la naissance de leur fille Zoé ne va pas se révéler être le bonheur qu’elle attendait. Loin de là… Marketa ne se reconnait plus et l’instinct maternel n’est pas au rendez-vous.

C’est ma deuxième lecture qui parle de l’instinct maternel, du moins du manque de cet instinct que tout le monde vante et dont la société ne peut imaginer qu’une femme devenue maman en soit dépourvue. Et oui, cet instinct n’est pas inné, il doit se travailler, se cultiver, s’apprivoiser. Dans « La remplaçante », Sophie Adriansen en parle et évoque la dépression post-partum qui reste encore taboue alors que cette dépression est bien réelle. Il est évident que devenir maman est un vrai bouleversement et des tas de questions se posent: vais-je être une bonne mère? Vais-je comprendre les pleurs de mon bébé? Mais pour certaines, ce bouleversement devient un tsunami et c’est l’incompréhension, l’envie de rendre le bébé, l’envie d’avoir justement une remplaçante qui ferra forcément mieux. L’auteure n’élude rien et elle le fait en toute bienveillance. Elle ne fait aucun jugement, elle ne culpabilise personne. Ce sont des faits. Et surtout, elle met bien en avant le désarroi de Marketa, son envie de faire mais son incapacité à faire. C’est criant de vérité. C’est vrai. Cela peut arriver à n’importe quelle maman et peu importe le nombre d’enfants. Et souvent, l’entourage de s’aperçoit pas de cela et ça, c’est encore plus difficile. Il faut en parler, il faut s’ouvrir et il ne faut surtout pas être seule.

Cet album est en plus magnifiquement illustré par Mathou. J’ai bien retrouvé son coup de crayon comme on dit. Les personnages sont dans sa veine et les émotions sont très prenantes grâce aux dessins, aux détails, aux couleurs. Les deux femmes ont su créer un très beau duo où chacune a pu s’exprimer et donner le plus beau. « La remplaçante » touche un sujet universel, trop caché et grâce à Sophie Adriansen et Mathou, les futures mamans pourront retrouver un peu d’elles dans cet album. Perso, je recommande que cet album soit dans toutes les trousses naissances des maternités!

« La remplaçante » de Sophie Adriansen et Mathou chez First Editions, 12 mai 2021.

Je serai là!

« Je serai là »

de L’homme étoilé

« Je serai là » est le deuxième roman graphique de L’homme étoilé chez les éditions Calmann-Lévy.

L’homme étoilé est infirmier en soins palliatifs. Et il se raconte, se souvient pourquoi il a choisit ce métier et pourquoi il ne veut que travailler en soins palliatifs.

Dans « Je sera là! », L’homme étoilé se livre une nouvelle fois à nous lecteurs. Il se souvient, se rappelle: son entrée à l’école d’infirmiers, ses premiers stages, sa première rencontre avec la mort, sa famille, sa compagne. C’est beaucoup plus personnel car il se raconte lui et on découvre le chemin qu’il a suivi pour devenir infirmier et pour, par la suite, vouloir ne travailler que dans un service de soins palliatifs. Il nous montre son métier, métier qui ne peut être qu’exercé avec passion, envie, détermination. Car infirmier, c’est un métier d’engagement, d’implication envers l’autre.

Xavier est un homme véritablement humain, pour qui l’autre est le plus important ainsi que la famille. Xavier oublie personne dans ses soins, ses gestes, ses attentions et son écoute. Il ne brusque rien et avec sa seule présence, son attention, il fait des merveilles. Xavier sait écouter, être attentif, être là tout simplement. Tout le monde est important à ses yeux et ça, c’est chouette. Il est humble, attentionné, aimant. Et j’ai beaucoup aimé en apprendre plus sur l’homme qu’il est, sur ses choix, sur son cheminent à devenir infirmier. Et quel plaisir de découvrir ses patients, tous aussi attachants les uns que les autres. « Je serai là! » est une nouvelle fois un très bel album qui met en avant l’humain avec ses forces et faiblesses. Xavier exerce un métier tourné vers les autres et il peut être fier de tout ce qu’il accomplit. C’est un très bel exemple pour ce métier si nécessaire mais si difficile.

« Je serai là! » de L’homme étoilé chez Calmann-Lévy, 20 janvier 2021.

Un loup quelque part.

« Un loup quelque part »

de Amélie Cordonnier

« Un loup quelque part » est le deuxième roman de Amélie Cordonnier chez les éditions Flammarion.

Maman d’une fillette de huit ans, Alban est son deuxième enfant de quelques mois. Mais Alban n’est pas comme sa soeur. Il y a quelque chose qui ne va pas… Une tache, des taches plus foncées sur le corps d’Alban. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas de ce bébé là.

« Mais non, son problème a elle, c’est de ne pas aimer son enfant. Jamais on ne lui a dit que cela n’allait pas de soi. Que peut-être elle n’y arriverait pas. Que faire des efforts ne suffirait pas. Son abandon lui appris ça. Alban aussi. Pas d’amour à la demande. Ni sur commande. Pour elle il reste le grand absent. Pas de sentiment, aucun dévouement. Aimer son bébé dès la naissance s’avère donc une chance. On l’a, ou on ne l’a pas. Elle, elle l’a eue une fois pour Esther. Le miracle ne s’est pas reproduit. Pourquoi? Sait pas. C’est choquant mais c’est comme ça. »

Amélie Cordonnier nous livre des thèmes assez poignant dans son deuxième roman: l’instinct maternel, celui qui est forcément inné quand on devient maman. Dans « Un loup quelque part », l’auteure nous parle d’une femme qui devient maman pour la deuxième fois mais qui ne ressent pas du tout la même chose pour ce fils. Elle ne ressent pas l’amour débordant d’une maman pour son enfant. Il y a un quelque chose qui bloque, quelque chose chez son fils qui ne va pas. Ses gestes envers sont fils sont brusques, forcés. Il n’y a aucune douceur. C’est vraiment difficile à lire, à lire cette maltraitance que la mère a envers son fils, ce bébé qui sentant ce non amour, est adorable. J’ai été choquée et je sais malheureusement que cela arrive: une maman qui n’aime pas son enfant. Evidemment, des tas de questions me sont venues: comment cela est possible de ne pas aimer son enfant, l’être que la maman a porté dans son ventre, qui est sorti d’elle? La société idéalise tellement la maternité que ne pas arriver à créer des liens avec son enfant est impensable. Amélie Cordonnier évoque tout cela: cet attachement maternel qui ne se fait pas, la maman qui comprend qu’elle n’aime pas son fils, l’entourage qui ne voit pas. À cela s’ajoute pour la maman la découverte de son adoption méconnue jusque là, jusqu’à la naissance de son fils qui s’avère être un enfant métis. Toute personne serait perturbée par tout cela, c’est certain et chacun ne sait pas comment il réagirait. Mais j’avoue que j’ai détesté à certains moments cette maman car elle maltraitait son enfant, cet enfant qui n’a rien demandé à part être aimé, choyé, protégé. Le comportement de la maman est détestable tout comme le père qui ne voit rien ou fait semblant de ne rien voir, comment cela est-il possible?

« Un loup quelque part » est un roman qui peut être difficile à lire mais dont l’auteure, avec ses mots, son rythme, a su m’entrainer avec elle à la découverte de cette maman hors norme. Elle va chercher à comprendre: pourquoi elle aime pas son fils? Pourquoi elle a honte de ce métissage? Cela va être long, douloureux mais nécessaire. On peut noter la force de cette maman pour faire tout pour aimer son enfant car au fond d’elle, elle s’en sait capable. C’est un cheminement auquel le lecteur participe. Et cela peut se faire avec violence car Amélie Cordonnier n’élude pas, elle dit, raconte. C’est prenant. On peut être mal à l’aise. On a qu’une envie, c’est de prendre ce garçon dans ses bras et lui offrir tout l’amour qu’il mérite. On a envie de crier au mari de regarder vraiment ce qu’il se passe chez lui. On veut que la maman se rende compte de la chance, du bonheur d’avoir un si gentil garçon. On aimerait que quelqu’un s’occupe aussi de la maman pour l’aider à comprendre. Ce roman est fort, prenant, et il ne peut pas laisser indifférent son lecteur!

« Un loup quelque part » de Amélie Cordonnier chez Flammarion, 11 mars 2020.