La remplaçante.

« La remplaçante »

de Sophie Andriansen et Mathou

Grâce à Babelio, j’ai découvert « La remplaçante » de Sophie Adriansen et Mathou chez les éditions First.

Marketa et Clovis s’aiment et ils attendent leur premier enfant. Clovis est déjà papa. Marketa sera une toute nouvelle maman. Mais la naissance de leur fille Zoé ne va pas se révéler être le bonheur qu’elle attendait. Loin de là… Marketa ne se reconnait plus et l’instinct maternel n’est pas au rendez-vous.

C’est ma deuxième lecture qui parle de l’instinct maternel, du moins du manque de cet instinct que tout le monde vante et dont la société ne peut imaginer qu’une femme devenue maman en soit dépourvue. Et oui, cet instinct n’est pas inné, il doit se travailler, se cultiver, s’apprivoiser. Dans « La remplaçante », Sophie Adriansen en parle et évoque la dépression post-partum qui reste encore taboue alors que cette dépression est bien réelle. Il est évident que devenir maman est un vrai bouleversement et des tas de questions se posent: vais-je être une bonne mère? Vais-je comprendre les pleurs de mon bébé? Mais pour certaines, ce bouleversement devient un tsunami et c’est l’incompréhension, l’envie de rendre le bébé, l’envie d’avoir justement une remplaçante qui ferra forcément mieux. L’auteure n’élude rien et elle le fait en toute bienveillance. Elle ne fait aucun jugement, elle ne culpabilise personne. Ce sont des faits. Et surtout, elle met bien en avant le désarroi de Marketa, son envie de faire mais son incapacité à faire. C’est criant de vérité. C’est vrai. Cela peut arriver à n’importe quelle maman et peu importe le nombre d’enfants. Et souvent, l’entourage de s’aperçoit pas de cela et ça, c’est encore plus difficile. Il faut en parler, il faut s’ouvrir et il ne faut surtout pas être seule.

Cet album est en plus magnifiquement illustré par Mathou. J’ai bien retrouvé son coup de crayon comme on dit. Les personnages sont dans sa veine et les émotions sont très prenantes grâce aux dessins, aux détails, aux couleurs. Les deux femmes ont su créer un très beau duo où chacune a pu s’exprimer et donner le plus beau. « La remplaçante » touche un sujet universel, trop caché et grâce à Sophie Adriansen et Mathou, les futures mamans pourront retrouver un peu d’elles dans cet album. Perso, je recommande que cet album soit dans toutes les trousses naissances des maternités!

« La remplaçante » de Sophie Adriansen et Mathou chez First Editions, 12 mai 2021.

Je serai là!

« Je serai là »

de L’homme étoilé

« Je serai là » est le deuxième roman graphique de L’homme étoilé chez les éditions Calmann-Lévy.

L’homme étoilé est infirmier en soins palliatifs. Et il se raconte, se souvient pourquoi il a choisit ce métier et pourquoi il ne veut que travailler en soins palliatifs.

Dans « Je sera là! », L’homme étoilé se livre une nouvelle fois à nous lecteurs. Il se souvient, se rappelle: son entrée à l’école d’infirmiers, ses premiers stages, sa première rencontre avec la mort, sa famille, sa compagne. C’est beaucoup plus personnel car il se raconte lui et on découvre le chemin qu’il a suivi pour devenir infirmier et pour, par la suite, vouloir ne travailler que dans un service de soins palliatifs. Il nous montre son métier, métier qui ne peut être qu’exercé avec passion, envie, détermination. Car infirmier, c’est un métier d’engagement, d’implication envers l’autre.

Xavier est un homme véritablement humain, pour qui l’autre est le plus important ainsi que la famille. Xavier oublie personne dans ses soins, ses gestes, ses attentions et son écoute. Il ne brusque rien et avec sa seule présence, son attention, il fait des merveilles. Xavier sait écouter, être attentif, être là tout simplement. Tout le monde est important à ses yeux et ça, c’est chouette. Il est humble, attentionné, aimant. Et j’ai beaucoup aimé en apprendre plus sur l’homme qu’il est, sur ses choix, sur son cheminent à devenir infirmier. Et quel plaisir de découvrir ses patients, tous aussi attachants les uns que les autres. « Je serai là! » est une nouvelle fois un très bel album qui met en avant l’humain avec ses forces et faiblesses. Xavier exerce un métier tourné vers les autres et il peut être fier de tout ce qu’il accomplit. C’est un très bel exemple pour ce métier si nécessaire mais si difficile.

« Je serai là! » de L’homme étoilé chez Calmann-Lévy, 20 janvier 2021.

Un loup quelque part.

« Un loup quelque part »

de Amélie Cordonnier

« Un loup quelque part » est le deuxième roman de Amélie Cordonnier chez les éditions Flammarion.

Maman d’une fillette de huit ans, Alban est son deuxième enfant de quelques mois. Mais Alban n’est pas comme sa soeur. Il y a quelque chose qui ne va pas… Une tache, des taches plus foncées sur le corps d’Alban. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas de ce bébé là.

« Mais non, son problème a elle, c’est de ne pas aimer son enfant. Jamais on ne lui a dit que cela n’allait pas de soi. Que peut-être elle n’y arriverait pas. Que faire des efforts ne suffirait pas. Son abandon lui appris ça. Alban aussi. Pas d’amour à la demande. Ni sur commande. Pour elle il reste le grand absent. Pas de sentiment, aucun dévouement. Aimer son bébé dès la naissance s’avère donc une chance. On l’a, ou on ne l’a pas. Elle, elle l’a eue une fois pour Esther. Le miracle ne s’est pas reproduit. Pourquoi? Sait pas. C’est choquant mais c’est comme ça. »

Amélie Cordonnier nous livre des thèmes assez poignant dans son deuxième roman: l’instinct maternel, celui qui est forcément inné quand on devient maman. Dans « Un loup quelque part », l’auteure nous parle d’une femme qui devient maman pour la deuxième fois mais qui ne ressent pas du tout la même chose pour ce fils. Elle ne ressent pas l’amour débordant d’une maman pour son enfant. Il y a un quelque chose qui bloque, quelque chose chez son fils qui ne va pas. Ses gestes envers sont fils sont brusques, forcés. Il n’y a aucune douceur. C’est vraiment difficile à lire, à lire cette maltraitance que la mère a envers son fils, ce bébé qui sentant ce non amour, est adorable. J’ai été choquée et je sais malheureusement que cela arrive: une maman qui n’aime pas son enfant. Evidemment, des tas de questions me sont venues: comment cela est possible de ne pas aimer son enfant, l’être que la maman a porté dans son ventre, qui est sorti d’elle? La société idéalise tellement la maternité que ne pas arriver à créer des liens avec son enfant est impensable. Amélie Cordonnier évoque tout cela: cet attachement maternel qui ne se fait pas, la maman qui comprend qu’elle n’aime pas son fils, l’entourage qui ne voit pas. À cela s’ajoute pour la maman la découverte de son adoption méconnue jusque là, jusqu’à la naissance de son fils qui s’avère être un enfant métis. Toute personne serait perturbée par tout cela, c’est certain et chacun ne sait pas comment il réagirait. Mais j’avoue que j’ai détesté à certains moments cette maman car elle maltraitait son enfant, cet enfant qui n’a rien demandé à part être aimé, choyé, protégé. Le comportement de la maman est détestable tout comme le père qui ne voit rien ou fait semblant de ne rien voir, comment cela est-il possible?

« Un loup quelque part » est un roman qui peut être difficile à lire mais dont l’auteure, avec ses mots, son rythme, a su m’entrainer avec elle à la découverte de cette maman hors norme. Elle va chercher à comprendre: pourquoi elle aime pas son fils? Pourquoi elle a honte de ce métissage? Cela va être long, douloureux mais nécessaire. On peut noter la force de cette maman pour faire tout pour aimer son enfant car au fond d’elle, elle s’en sait capable. C’est un cheminement auquel le lecteur participe. Et cela peut se faire avec violence car Amélie Cordonnier n’élude pas, elle dit, raconte. C’est prenant. On peut être mal à l’aise. On a qu’une envie, c’est de prendre ce garçon dans ses bras et lui offrir tout l’amour qu’il mérite. On a envie de crier au mari de regarder vraiment ce qu’il se passe chez lui. On veut que la maman se rende compte de la chance, du bonheur d’avoir un si gentil garçon. On aimerait que quelqu’un s’occupe aussi de la maman pour l’aider à comprendre. Ce roman est fort, prenant, et il ne peut pas laisser indifférent son lecteur!

« Un loup quelque part » de Amélie Cordonnier chez Flammarion, 11 mars 2020.

Un petit carnet rouge.

« Un petit carnet rouge »

de Sofia Lundberg

Un très beau roman: « Un petit carnet rouge » de Sofia Lunberg chez les éditions Calmann-Lévy.

Doris, 96 ans, vit seule à Stockholm. Sa seule famille, sa nièce, vit aux États-Unis. Elles se parlent très régulièrement par Skype. Doris possède un petit carnet rouge depuis 1928 où elle a écrit les noms de chaque personne qu’elle a rencontré pendant sa vie. Elle décide, avec ce petit carnet rouge, de laisser à sa nièce ses souvenirs par le biais de lettres.

« J’ai peine à l’avouer, mais avec le temps, on finit par oublier. Ce n’est pas que le souvenir des gens s’efface. Ce n’est pas qu’ils ne comptent plus. Mais la panique et l’angoisse ressenties au moment de la séparation se transforment en un sentiment plus neutre et plus supportable. Il arrive que l’ancienne amitié ne revienne même pas quand d’anciens amis croisent à nouveau notre route, et que les rapports qu’on a plus tard avec eux soient dictés par un sentiment d’obligation plus que par l’envie. »

« Un petit carnet rouge » est un joli écrin où se trouve un portrait de femme des plus beaux. Ce roman de Sofia Lundberg est un bijou qui brille de mille feux, un diamant pur où une vie entière, une vie incroyable s’y reflète. Doris a vécu une vie extraordinaire, a rencontré des gens fabuleux et beaucoup moins fabuleux, a traversé l’Atlantique en bateau, a connu la pauvreté et l’abondance, a connu le grand amour. Doris a vécu mille vies en une seule et ce qui la relie à toutes ses vies, c’est un petit carnet rouge dans lequel sont inscrits le nom des personnes et les rencontres qu’elle a faites. Certains noms sont barrés car ces personnes sont mortes. Ne pouvant plus se déplacer, Doris souhaite que sa nièce, sa seule famille, puisse avoir ses souvenirs. Elle va donc écrire, écrire toute sa vie, toutes ses rencontres, tous ses amours et amitiés. Doris va raconter 96 ans de sa vie, de ses combats, de ses croyances, de ses aventures, de ses déconvenues.

C’est passionnant. C’est incroyable. C’est beau. C’est un portrait d’une femme qui s’est battue, qui a cru en un meilleur, qui a connu la famine, la guerre. C’est un voyage en Suède, à Paris, dans le sud, à New-York, en Angleterre. C’est entrer dans le monde de la bourgeoisie, de la mode, des artistes. C’est vivre par procuration la vie de Doris, une femme forte qui a tout connu en 96 ans. Doris est plus qu’attachante. Elle m’a littéralement époustouflée par sa force, sa détermination, sa volonté, ses combats. À travers sa vie et ses rencontres, c’est de l’histoire, avec un grand H, qui en ressort. Il y a tellement à découvrir, à apprendre de la vie de Doris. Et toutes les personnes qu’elles a rencontrées sont également incroyables ou détestables.

« Un petit carnet rouge » est un très beau portrait d’une femme incroyable au cours des années et des pays. Sofia Lundberg a écrit une très belle histoire qui se lit comme un journal de vie. C’est un destin de femme qu’il faut découvrir grâce à la jolie plume de l’auteure, à sa très belle façon de raconter des histoires extraordinaires.

« Un petit carnet rouge » de Sofia Lundberg, traduit par Caroline Berg, chez Calmann-Lévy, 30 mai 2018.

Dans les yeux de Lya.

« Dans les yeux de Lya »

de Carbone et Justine Cunha

Voici les trois tomes de « Dans les yeux de Lya » de Carbone pour le scénario et les dialogues, et de Justine Cunha pour le dessin et les couleurs, chez les éditions Dupuis.

La vie de Lya, 17 ans, a basculé le jour où elle s’est fait renversée. Elle a perdu l’usage de ses jambes. Lya apprend que le silence de ses parents a été acheté. Elle décide de mener son enquête afin de découvrir qui a fait cela. Elle découvre que cela vient du cabinet d’avocats DV Associés qu’elle intègre en tant que stagiaire afin d’y découvrir la vérité.

J’ai lu les trois tomes à la suite de « Dans les yeux de Lya » afin d’avoir toute l’histoire en une fois et ne pas attendre impatiemment la suite!! Avec le personnage de Lya, les auteures nous font découvrir différents mondes: celui du handicap, celui des affaires, celui de l’amitié. On y découvre une jeune femme pleine d’entrain dont le handicap n’est absolument pas un frein. Elle est jolie, brillante, intelligente, avenante. Carbone a pris la mesure de l’optimisme et cela est rafraichissant. On ne peut qu’adhérer de ce fait à la quête de Lya: découvrir le coupable de son accident. Et pour cela, Lya est toujours accompagnée de son meilleur ami. Les deux vont tenter de trouver la vérité. Ils vont avoir l’aide d’une des collègues de Lya, Adèle. Tous les trois forment un trio d’enfer!

Comme je le disais, Carbone a pris le ton du joyeux, de l’optimisme alors que l’histoire de Lya n’est pas des plus drôles. Mais au final, cela en devient une force, une grande force. L’intrigue est bien menée et donne vraiment envie de connaître la suite, de savoir si le trio va découvrir le coupable et si oui, vont-ils le confronter à son acte? C’est rythmé, enjoué. Carbone a parfaitement su transcrire une joie de vivre. Et tout cela est haut en couleurs grâce aux illustrations de Justine Cunha qui sont colorées, jolies avec les traits bien dessinés afin de lire les émotions de chaque personnage. Les deux auteures ont créé une jolie trilogie qui se laisse lire avec plaisir, qui donne le sourire et qui nous permet de croire que tout est possible!

« Dans les yeux de Lya » tome 1, 2 et 3 chez Dupuis.

Les filles du 17 Swann Street.

« Les filles du 17 Swann Street »

de Yara Zgheib

Un roman qui doit être lu: « Les filles du 17 Swann Street » de Yara Zgheib chez les éditions JC Lattès.

Anna quitte Paris et son Opéra pour vivre aux États-Unis avec son mari. Mais Anna va se retrouver vite seule, vraiment seule. Et cette solitude va la mener dans une spirale infernale, celle de l’anorexie. Pour se soigner, Anna entre au 17 Swann Street où des femmes souffrant de troubles alimentaires sont prises en charge.

« Tout le monde pense que j’ai un problème. Mon entourage a peur pour moi. Or je n’ai pas de problème. Je dois juste perdre un petit peu de poids. J’ai peur aussi, mais pas de grossir. Je suis terrifié par la vie. Par ce monde triste et injuste. Ce n’est pas mon cerveau qui est malade. C’est mon coeur. »

« Les filles du 17 Swann Street » est le premier roman de Yara Zgheib et quel roman! L’auteure écrit sur l’anorexie et les troubles alimentaires en général. Elle explique cette maladie, ses conséquences sur la malade, sa vie, son entourage. J’écris « elle » car c’est une maladie beaucoup plus féminine que masculine et dans ce roman, l’auteure nous parle de femmes. Pour faire face à cette maladie, il y a le 17 Swann Street, un lieu où vivent des malades d’anorexie et de boulimie. Elles sont ensemble, affrontent ensemble les repas. Elles échangent lors des séances en groupe ou individuelles avec la psy. Elles ne se jugent pas. Elles instaurent des rituels que chacune respectera. Elles ne deviendront pas amies car elles en ont pas la force mais elles sont un soutien indéfectible pour chacune. C’est un lieu où le but est la guérison, ou plutôt l’acceptation et surtout la gestion de leur trouble pour leur permettre le retour à leur vie. Certaines femmes restent longtemps, d’autres ne sont que de passage. Le 17 Swann Street est un lieu de bienveillance, de réconfort, et surtout de compréhension.

L’auteure nous explique à travers son personnage Anna la spirale qu’est l’anorexie, qu’est le combat pour ne pas manger, qu’est la solitude de ces malades. Comme tous, je connais cette maladie mais je n’ai jamais été confrontée personnellement et j’avais des préjugés qui, grâce à son roman, ont été balayés pour comprendre la maladie. Je peux dire qu’il faut une force de dingue pour s’en sortir. Et puis, l’auteure nous parle aussi de l’impuissance de l’entourage face à l’anorexie, de leur incompréhension, de leur honte de n’avoir pas vu avant. Et, comme beaucoup de maladie, l’amour que les autres leur apportent fait partie du chemin vers la guérison. Il est très difficile de s’en sortir seul mais pour cela, il faut en parler, ne pas avoir honte, chercher du soutien. L’anorexie n’est pas une honte, un tabou. C’est une maladie qui doit être prise en charge. Yara Zgheib a merveilleusement bien su nous le raconter, nous le démontrer toute en bienveillance, humanité, intimité. Ses mots ne sont pas violents bien au contraire. Ils sont tendres, avenants et précieux.

« Les filles du 17 Swann Street » est une immersion dans la maladie, une immersion nécessaire afin de comprendre et d’aider!

« Les filles du 17 Swann Street » de Yara Zgheib chez JC Lattès, 23 septembre 2019.